Bien que le pays soit totalement sûr, la Jordanie pâtit du conflit israélo-palestinien tout proche. Certaines agences n’organisent plus de séjours dans le pays et bien des voyageurs hésitent à partir. Mes conseils pour visiter la Jordanie en toute sérénité.
Le tourisme, l’or blanc pour la Jordanie
La Jordanie a reçu 6,4 millions de touristes en 2023, dont près de 95000 Français. C’est la deuxième nationalité la plus représentée en Europe après les Italiens. Ce nombre a été divisé par trois depuis le début du nouveau conflit entre Israël et le Hamas, le 7 octobre dernier, au grand dam des professionnels du tourisme. Au premier semestre 2023, Pétra avait enregistré le nombre record de 700000 visiteurs.
Quelque 58000 Jordaniens tirent habituellement un revenu du tourisme et trois fois plus bénéficient de ses retombées indirectes. Le tourisme représente en effet 15,6 % du PIB du pays. Après la pandémie, les arrivées dépassaient même de 20 % les résultats de l’avant Covid. A titre d’exemple, la Citadelle d’Amman accueillait 1000 visiteurs avant la guerre, contre quelques dizaines seulement actuellement.
Dans ce pays dépourvu de ressources naturelles, les touristes sont « l’or blanc ». Le royaume hachémite a heureusement mis en place des aides pour venir en aide à sa population très impactée. Il s’agit de la « cessation temporaire du prélèvement des cotisations sociales pour les entreprises du secteur ». Le gouvernement associe également « la banque centrale dans le cadre d’un plan d’urgence pour les professionnels du tourisme ».
Un contexte géopolitique complexe
La position stratégique de la Jordanie est très délicate. Ce petit pays est pris en étau entre son voisin Israël et les pays arabes. D’un côté, la Jordanie dispose d’une grosse base américaine, Tower 12. Le roi Abdallah II a étudié dans le pays de l’Oncle Sam. La Jordanie, carencée en eau, se repose sur Israël pour lui fournir cette ressource. Elle doit donc maintenir de bonnes relations avec son voisin israélien et ses alliés occidentaux.
Toutefois, la Jordanie doit également préserver son équilibre interne. Le pays a accueilli plus de deux millions de réfugiés palestiniens depuis l’origine du conflit. Un habitant sur deux est d’origine palestinienne. La majorité a obtenu la nationalité jordanienne. La guerre actuelle a suscité la colère de la population. Pendant plusieurs semaines, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté devant l’ambassade d’Israël. Ces protestations ont été réprimées et il y a eu des arrestations. De ce fait, on ne voit que de rares affiches « Stop bombing Gaza » et elles sont limitées à Amman, où 70 % est d’origine palestinienne.
Une polémique a évidemment éclaté au sein de la population quand des drones iraniens survolant l’espace aérien jordanien ont été abattus. Le roi a pourtant assuré qu’il ne faisait que protéger sa souveraineté et qu’il aurait fait pareil avec des drones israéliens. Il se montre d’ailleurs critique concernant l’offensive militaire à Gaza. Un exercice d’équilibriste qui a déclenché le courroux de l’Iran, comme de Benyamin Netanyahou. On entend d’ailleurs différents de cloche parmi le reste de la population, l’essentiel semblant être la reprise de l’économie.
Ce que dit France Diplomatie
Il convient de se référer, avant tout déplacement, au site de France Diplomatie. Généralement alarmiste, il ne déconseille pas actuellement (NDLR : juin 2024) les voyages en Jordanie, ce qui se veut très rassurant. « Le Royaume hachémite de Jordanie, pôle de stabilité dans une région traversée par les crises, n’est cependant pas à l’abri de troubles, en particulier du risque terroriste », précise-t-il toutefois.
Il invite les voyageurs à « être attentif à l’évolution de la situation sécuritaire » et à « se conformer aux instructions que les autorités jordaniennes peuvent donner localement ». Si vous vous rendez dans les zones éloignées des principaux centres urbains, « il convient d’être accompagné et de signaler ses déplacements à un tiers susceptible de prendre contact avec le consulat en cas de difficulté ».
Toutefois, il est déconseillé de se rendre dans la zone frontalière avec la Syrie et avec l’Irak, qui ne présente de toute façon aucun intérêt touristique. Pétra, le Wadi Rum et Aqaba se situent dans le Sud du pays. Il est aussi conseillé de ne pas aller dans la zone frontalière avec la Cisjordanie, le long du Jourdain. Et, plus curieux, d’éviter la ville de Ma’ân qui est le théâtre de « tensions locales récurrentes », révélatrices des frustrations de la population du royaume.
Rappel historique de la position de la Jordanie
A la suite de la Première Guerre mondiale, l’Émirat de Transjordanie a été créé en 1921 par les Anglais, qui régnaient aussi sur la Palestine et l’Irak. L’indépendance de la Transjordanie n’a eu lieu qu’en 1946. Elle devient la Jordanie en 1949. Les États-Unis ont pris la relève dès lors que l’influence anglaise a commencé à s’amenuiser dans la région. En 1967, lors du troisième conflit israélo-arabe, la Jordanie a perdu la souveraineté sur la Cisjordanie.
Autre fait historique important pour expliquer la situation actuelle, le conflit Septembre noir, qui a débuté le 12 septembre 1970. Le royaume hachémite déclencha alors des opérations militaires contre l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) dirigée par Yasser Arafat. Cette dernière avait tenté à plusieurs reprises de renverser le roi Hussein de Jordanie, dont l’autorité était remise en cause, du fait qu’une grande partie de la population était palestinienne.
La Jordanie a aussi signé le traité de Wadi Araba, un accord de paix avec Israël en 1994, afin de « normaliser » leurs relations. Ce document garantit « le respect de la souveraineté de l’autre », « le partage équitable des ressources en eau », la « coopération concernant les réfugiés palestiniens » et « la défense du voisin en cas de menace ». Perçu comme le laquais de l’Occident par ses voisins arabes, ce pays pauvre n’a pas d’autre choix que de se reposer sur les Etats-Unis et ses alliés.
Et vous, envisagez vous de visiter la Jordanie en ce moment ?